Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/68

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mandations banales ou cyniques, et cela aux dépens de la place que réclament la philosophie, l’histoire, les arts, la littérature, tout ce qui élève, en le charmant, l’esprit des hommes : le journalisme, en un mot, allait devenir le porte-voix de la spéculation. Nul doute que, sous cet aspect, la combinaison nouvelle ne fut condamnable. D’un autre côté, elle appelait à la vie publique un grand nombre de citoyens qu’en avait éloignés trop long-temps le haut prix des journaux ; et cet avantage, il y avait évidemment injustice à le méconnaître. Mais les intérêts sont toujours absolus et exclusifs dans leurs colères : M. Émile de Girardin, qui avait commencé l’attaque, fut attaqué à son tour, et avec un blamable excès d’âpreté, par quelques-unes des feuilles dont une concurrence inattendue menaçait la prospérité ou l’existence. Et, chose étrange ! ce fut le Bon Sens, journal démocratique, qu’on vit figurer à la tête de ce mouvement. Il est vrai qu’alors la direction du Bon Sens était flottante et divisée, circonstance qui permit à un des rédacteurs du feuilleton, M. Capo de Feuillide, de faire agréer ses attaques contre la presse à bon marché et contre M. de Girardin. Les articles publiés étaient écrits avec beaucoup de verve, beaucoup d’esprit, mais sur un ton qui manquait de mesure et de gravité. M. Émile de Girardin, qui avait un journal pour se défendre, se défendit par un procès en diffamation, se réfugiant de la sorte sous la protection d’une loi qui n’admet point l’accusateur à prouver que l’accusation est juste. De là une irréparable catastrophe.