Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/73

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— Un duel ne me paraît jamais une bonne fortune, à moi, répondit Carrel. » Peu d’instants après, M. Lautour-Mézeray étant arrivé, sa présence vint donner à la discussion un tour plus conciliant, et il fut enfin convenu que quelques mots d’explication seraient publiés dans l’un et l’autre journal. M. Émile de Girardin parlant de rédiger la note, séance tenante, « vous pouvez vous en fier à moi, Monsieur, lui dit Armand Carrel avec dignité. » La querelle paraissait presque éteinte : un incident la ralluma. M. de Girardin demandait que la publication de la note eût lieu simultanément dans les deux journaux. Carrel voulait, au contraire, qu’elle eût lieu d’abord dans la Presse mais il rencontra, sur ce point, une opposition persistante. Alors, étonné, blessé au vif, n’ayant plus rien à ajouter aux efforts de modération auxquels jusque-là il s’était plié si noblement, Carrel se leva et dit : « Je suis l’offensé, je choisis le « pistolet. » Il sortait, lorsque, par une louable inspiration, M. Lautour-Mézeray courut après lui pour le retenir et le calmer. Mais une inexorable fatalité pesait sur toute cette anaire. Le soir, la discussion se ranima entre MM. Ambert et Thibaudeau, amis de Carrel, Lautour-Mézeray et Paillard de Villeneuve, représentants de M. de Girardin. On ne put s’entendre.

Il est souvent donné aux natures supérieures d’avoir de ces intuitions sûres qu’on ne saurait nier, quoique la raison soit impuissante à en pénétrer le mystère. Armand Carrel, dans les affaires d’honneur, s’était toujours élancé au-devant du péril avec une