Page:Blanc - Histoire de la révolution française, 1878, tome 1.djvu/21

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comprimée ; l’enivrer d’orgueil et d’audace ; soumettre au contrôle de tout esprit l’ensemble des traditions, les siècles, leurs travaux, leurs croyances ; placer l’homme dans un isolement plein d’inquiétudes, plein de périls, mais quelquefois aussi plein de majesté, et lui donner à résoudre personnellement, au milieu d’une lutte immense, dans le bruit d’un débat universel, le problème de son bonheur et de sa destinée…, ce n’est point là une œuvre sans grandeur, et c’est l’œuvre de l’individualisme ; il faut donc en parler avec respect, et comme d’une transition nécessaire. Mais, cette réserve faite, il nous sera bien permis d’élever dans des régions supérieures nos sympathies et nos espérances. L’humanité a eu besoin tour à tour du pape et de Luther ; mais le principe d’autorité a fourni sa carrière, le principe d’individualisme achèvera la sienne, et l’avenir n’appartient évidemment ni au pape ni à Luther.

On doit comprendre maintenant que dans ce qu’on a coutume d’appeler la Révolution française, il y a eu, en réalité, deux révolutions parfaitement distinctes, quoique dirigées toutes les deux contre l’ancien principe d’autorité.

L’une s’est opérée au profit de l’individualisme ; elle porte la date de 89.

L’autre n’a été qu’essayée tumultueusement au nom de la fraternité ; elle est tombée le 9 thermidor.

Que si la Révolution de 89 est la seule qui ait pris racine dans les faits, c’est qu’elle ne venait point s’emparer de la société à l’improviste ; c’est qu’elle servait l’intérêt d’une classe devenue dominante : la bourgeoisie, c’est enfin qu’elle arrivait avec une doctrine complète sous le triple aspect de la philosophie, de la politique et de l’industrie.

Cet ouvrage préliminaire se divisera donc naturellement en trois livres.