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Page:Blanc - Histoire de la révolution française, 1878, tome 1.djvu/54

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cru que ce moine essayerait de s’égaler à lui par l ’audace, qui est la force des faibles et la dignité des inférieurs.

Le lendemain, du reste, Luther se réleva. Le fiscal de Trêves lui ayant demandé, au nom de l’empereur, s’il reconnaissait, les livres dont, la veille, on lui avait lu les titres et s’il consentait à se rétracter, il répondit par un discours plein d’humilité à la fois et de grandeur. Il fit remarquer que, parmi ses livres, quelques-uns avaient été par ses adversaires eux-mêmes reconnus pieux et conformes à l’Évangile : ceux-là il n’y avait lieu de les rétracter. Quant à ceux dans lesquels il s’était élevé contre la papauté, contre les papistes, contre les impures doctrines et les exemples impies, fléau du monde chrétien , il déclara ne les pouvoir renier sans se faire complice de la tyrannie. Il confessa, d’ailleurs, que, dans ses écrits purement polémiques, il s’était laissé aller à plus de violence qu’il ne convenait à son état et à un chrétien. Il en appela, du reste, de l’infirmité des jugements humains à la parole infaillible de Dieu[1]. Après une courte délibération des princes, le fiscal de Trêves somma impérieusement Luther de déclarer s’il se rétractait oui ou non. Alors le pauvre moine dit à ces guerriers au visage sombre et au cœur irrité : « Me voici ! je ne puis autrement… Que Dieu me soit en aide[2] ! « Il avait prononcé son discours , en latin d’abord, puis en allemand : Il était épuisé, et la sueur ruisselait sur son front. Mais déjà l’ombre du soir descendait dans la salle. On se sépara.

Luther quitta Worms le 26 avril 1521. De Friedberg, il écrivit à Charles-Quint une lettre soumise, presque suppliante, mais dans laquelle il disait : « Ma cause est celle de toute la terre [3] ! » On lui répondit par un édit de proscription[4] .

  1. Voy. ce discours dans les Œuvres latines de Luther, t. II, p. 411, A et suiv. au chapitre intitulé Acta reverendi palris M. Lutheri, in comitiis principum Wormatiœ.
  2. « Adjuvet me Deus ! » Seckendorf, Comment, de Lutheranismo, lib. I, p. 154.
  3. Sleidan, liv. III, p. 100.
  4. Voy, pour la teneur de l’édit : Sleidan, t. I, liv. III, p. 105 ; Fra Paolo, liv. I, p. 14 ; Pallavicini, lib. I, cap. XXVIII.