Page:Blanc - L’Organisation du travail.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
7
INTRODUCTION.

plus de sang qu’il n’en a coulé, depuis, sous la main des bourreaux de l’inquisition. Le paganisme avait divinisé la débauche, dégradation du corps par l’excès du plaisir : le catholicisme a canonisé l’ascétisme, dégradation du corps par l’excès de la douleur. Le paganisme avait outragé l’âme humaine jusqu’à faire des esclaves : le catholicisme a dédaigné le côté matériel de l’humanité, jusqu’à souffrir qu’il y eût des pauvres.

Et toutefois, proscrire l’un des deux éléments qui constituent l’être humain est tellement contraire à l’essence des choses, tellement impossible, qu’il n’y a jamais eu, sous ce rapport, de système absolu. Dans l’antique mythologie, Vénus n’excluait pas Minerve. Et en même temps que l’Église catholique recommandait aux hommes de mortifier leur chair, elle s’attachait à parler aux sens par le déploiement de sa puissance temporelle, par la magnificence de ses cérémonies, par les merveilleuses basiliques où elle enfermait la majesté du Dieu né dans une étable, par l’harmonie enfin et les parfums dont elle emplissait le sanctuaire.

C’est qu’en effet on ne peut sacrifier trop complètement la vie du corps à celle de l’âme, sans attenter à la nature humaine. Il répugne à la raison, dans la théorie du progrès, d’admettre que l’humanité doive rester à jamais victime de je ne sais quel étrange et terrible combat entre l’esprit et la chair. Si ce combat a eu lieu jusqu’ici, c’est parce que les sociétés n’ont pas encore trouvé un milieu qui leur convienne. Or, toute civilisation fausse a cela de fatal, qu’en répartissant d’une manière inique les travaux et les plaisirs, elle empêche, et chez les oppres-