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INTRODUCTION.

seurs et chez les opprimés, l’harmonieux emploi des facultés soit morales soit corporelles : chez les premiers, par la facilité de l’abus ; chez les seconds, par l’altération de l’usage. Reste à savoir s’il ne nous est pas permis de croire qu’un tel désaccord doit un jour cesser. Car, pourquoi l’harmonie ne succéderait-elle pas dans l’homme lui-même à l’antagonisme ? Pourquoi l’harmonie ne deviendrait-elle pas la loi de la vie individuelle, comme elle est la loi des mondes ? Gardons-nous de scinder le problème, si nous aspirons à le résoudre. La formule du progrès est double dans son unité : Amélioration morale et matérielle du sort de tous, par le libre concours de tous et leur fraternelle association ! Ce qui rentre dans l’héroïque devise que nos pères écrivirent, il y a cinquante ans, sur le drapeau de la révolution : Liberté, égalité, fraternité.

Rapprochement bizarre et triste ! La classe privilégiée est, de nos jours, perdue de sensualisme ; elle a trouvé, en fait de luxe, des raffinements inouïs ; elle n’a plus guère d’autre religion que le plaisir ; elle a reculé le domaine des sens jusqu’aux plus extrêmes limites de la fantaisie ; pour elle, employer la vie n’est rien, en jouir est tout… Et c’est du sein de ce monde heureux, c’est du fond des boudoirs dorés où se berce sa philosophie, qu’on nous adjure de ne pas faire appel au matérialisme des intérêts, quand nous demandons, pour le pauvre, la certitude d’avoir du travail, le pain quotidien, un asile, des vêtements, le pouvoir d’aimer et l’espérance !

Quant à ceux qui, reconnaissant la nécessité de résoudre les questions sociales, pensent néanmoins que l’examen doit en être ajourné, et qu’il sera