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ORGANISATION

appartient aux gros bataillons. Et c’est dans un milieu social où elle ne se manifeste que par une série de luttes acharnées, une succession de défaites injustes, un choc continuel d’impitoyables désirs, une âpreté de gain universelle et inouïe, qu’on vient vanter la puissance de l’intérêt personnel ! Et l’on nous accuse de la nier parce que nous en réprouvons les manifestations hideuses !

Mais que faire alors ? Que faire ?… modifier un régime social qui, par son essence même, rend inconciliables l’intérêt personnel et le sentiment du devoir ; et poser, avec le bon sens du cœur, les bases d’un régime tel que nul ne puisse y chercher autre part que dans le triomphe de l’intérêt public la satisfaction de son intérêt propre. L’association résout ce problème. Et, par exemple, dans les ateliers sociaux dont nous proposons l’établissement, la part de l’intérêt personnel est faite sans contredit, puisque chaque travailleur participe au bénéfice. Seulement, le bénéfice ne saurait augmenter pour quelques-uns sans augmenter pour tous. Ainsi l’émulation n’est pas détruite, elle est purifiée ; l’intérêt personnel cesse d’être une excitation à la haine pour devenir un moyen de concorde, un encouragement à la fraternité ; le stimulant individuel ne perd rien de son énergie, et il devient moral.

M. Michel Chevalier a d’avance objecté que, dans tout système d’association, l’intérêt personnel est indirect, parce qu’il revêt un caractère collectif. La conclusion ne me semble pas logique. Je ne sache rien de plus direct que l’intérêt qu’a un tra-