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ORGANISATION

les intérêts en révolte. Pour mieux briser le moule, on portait la main sur l’idée. Dans ce profond ébranlement de tout ce qui était régime d’association et de protection, les gens de lettres n’ayant plus rien à attendre que d’eux-mêmes, prirent naturellement le parti de trafiquer de leur pensée, et le mercantilisme fit invasion dans la littérature. Autre malheur ; la littérature ne fut pas plus tôt devenue une profession lucrative, que ceux-là coururent en foule s’y précipiter qui trouvaient les autres carrières encombrées. Et comment n’y aurait-il pas eu encombrement dans toutes les sphères de l’activité humaine, lorsque l’individualisme, proclamé sous le nom de liberté, venait pousser à tous les excès d’une compétition universelle ? D’un autre côté, des mots magiques avaient retenti ; on avait écrit le mot égalité dans nos codes ; mais on n’en couvrait pas moins d’un mépris injuste les laboureurs, les artisans, les ouvriers ; on n’en élevait pas moins les enfants dans cette idée qu’il y a des métiers et des arts, des professions qui sont libérales et d’autres qui ne le sont pas. Ainsi on allumait dans les cœurs une soif ardente de distinctions frivoles ; ainsi on allait semant dans tous les jeunes esprits le germe des ambitions artistiques ou littéraires ; et l’instruction plus répandue, sans être mieux dirigée, préparait l’envahissement de la société par ce flot de jeunes hommes tous égal-