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DU TRAVAIL.

ement tous également avides de renommée, tous également prompts à s’engager dans les routes battues, sur la foi de leurs désirs ou de leurs rêves.

Qu’est-il résulté de là ? Que le phénomène qui se manifestait dans l’industrie s’est manifesté dans les lettres. Il y a eu partout cohue, et partout il y a eu tiraillements, luttes sans fin, désordres de tout genre, désastres. La concurrence dans les lettres a produit des résultats analogues à ceux qu’elle produisait dans l’industrie. À côté de l’industriel falsifiant ses produits pour l’emporter sur ses rivaux par le bon marché, on a eu l’écrivain altérant sa pensée, tourmentant son style, pour conquérir le public par l’attrait funeste des situations forcées, des sentiments exagérés, des locutions bizarres, et, le dirai-je, hélas ! Des enseignements pervers. À côté de l’industriel écrasant à force de capitaux ses compétiteurs, on a eu l’écrivain riche gagnant de vitesse l’écrivain pauvre dans le domaine de la renommée, et se servant ensuite de l’éclat du nom acquis pour enchaîner dans l’ombre le mérite ignoré. Au sein d’une profusion de livres toujours croissante, le public est resté sans direction ; et n’ayant plus ni la possibilité ni le temps de choisir, il a fermé sa bourse aux écrivains sérieux, et jeté son âme en pâture aux charlatans. De là l’épouvantable abus des annonces, le trafic des éloges, la prostitution de la critique, les ruses de la ca-