Page:Blanc - L’Organisation du travail.djvu/24

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
18
INTRODUCTION.

faim du chemin de l’école, court vendre son âme et son corps à la filature voisine, pour grossir de quelques oboles le salaire paternel !

Il est donc libre de discuter les conditions de son travail, l’ouvrier qui meurt, si le débat se prolonge !

Il est donc libre de mettre son existence à l’abri des chances d’une loterie homicide, le travailleur qui, dans la confuse mêlée de tant d’efforts individuels, se voit réduit à dépendre, non pas de sa prévoyance et de sa sagesse, mais de chacun des désordres qu’enfante naturellement la concurrence : d’une faillite lointaine, d’une, commande qui cesse, d’une machine qu’on découvre, d’un atelier qui se ferme, d’une panique industrielle, d’un chômage !

Il est donc libre de ne pas dormir sur le pavé, le journalier sans travail qui n’a point d’asile !

Elle est donc libre de se conserver chaste et pure, la fille du pauvre qui, l’ouvrage venant à manquer, n’a plus à choisir qu’entre la prostitution et la faim !

De nos jours, a-t-on dit, rien ne réussit mieux que le succès. C’est vrai, et cela suffit pour la condamnation de l’ordre social qu’un semblable aphorisme caractérise. Car toutes les notions de la justice et de l’humanité sont interverties, là où l’on a d’autant plus de facilités pour s’enrichir qu’on a moins besoin de devenir riche, et où l’on peut d’autant moins échapper à la misère qu’on est plus misérable. Le hasard de la naissance vous a-t-il jeté parmi nous dans un dénûment absolu ? Travaillez, souffrez, mourez : on ne fait pas crédit au pauvre, et la doctrine du laissez-faire le voue à l’abandon. Êtes-vous né au sein de l’opulence ?