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INTRODUCTION.

Prenez du bon temps, menez joyeuse vie, dormez : votre argent gagne de l’argent pour vous. Rien ne réussit mieux que le succès !

Mais le pauvre a le droit d’améliorer sa position ? Eh ! qu’importe, s’il n’en a pas le pouvoir ? Qu’importe au malade qu’on ne guérit pas le droit d’être guéri ?

Le droit, considéré d’une manière abstraite, est le mirage qui, depuis 1789, tient le peuple abusé. Le droit est la protection métaphysique et morte qui a remplacé, pour le peuple, la protection vivante qu’on lui devait. Le droit, pompeusement et stérilement proclamé dans les chartes, n’a servi qu’à masquer ce que l’inauguration d’un régime d’individualisme avait d’injuste et ce que l’abandon du pauvre avait de barbare. C’est parce qu’on a défini la liberté par le mot droit, qu’on en est venu à appeler hommes libres, des hommes esclaves de la faim, esclaves du froid, esclaves de l’ignorance, esclaves du hasard. Disons-le donc une fois pour toutes : la liberté consiste, non pas seulement dans le droit accordé, mais dans le pouvoir donné à l’homme d’exercer, de développer ses facultés, sous l’empire de la justice et sous la sauvegarde de la loi.

Et ce n’est point là, qu’on le remarque bien, une distinction vaine : le sens en est profond, les conséquences en sont immenses. Car, dès qu’on admet qu’il faut à l’homme, pour être vraiment libre, le pouvoir d’exercer et de développer ses facultés, il en résulte que la société doit à chacun de ses membres, et l’instruction, sans laquelle l’esprit humain ne peut se déployer, et les instruments de travail, sans lesquels l’activité humaine ne peut se donner carrière. Or, par l’intervention