Page:Bloy - Exégèse des Lieux Communs, Mercure de France, 1902.djvu/226

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même qu’il y eût quelqu’un à assommer. C’est très sérieux et profondément original. Songez qu’il s’agit de capturer un non moindre seigneur que mon propriétaire, violemment soupçonné de cambrioler en personne le locataire que je suis. Vous comprenez que, pour tirer de cette occasion tout le profit qu’on en peut attendre, j’ai besoin d’un témoin. Venez donc, mais pas trop tard. Il ne faut pas qu’on s’aperçoive que j’ai reçu du renfort. »

Lorsque j’écrivis cette lettre, il y a quelques ans, j’habitais un pavillon isolé près des fortifications et j’avais, en effet, la certitude que mon cher voisin et propriétaire s’introduisait la nuit dans ma cave pour soutirer mon vin et déménager mon charbon. Ce propriétaire était le même père Édouard que j’ai essayé de peindre plus haut, quand je me suis occupée de « la crème des honnêtes gens ». Le fait est qu’il avait sur sa figure toutes les vilenies et toutes les fraudes.

Mon plan était d’une simplicité divine. J’avais fait venir très ostensiblement quelques provisions de nature à le tenter, et, la porte de ma cave ouvrant sur le jardin, j’avais laissé la clef dans la serrure comme pour l’inviter. Tout était machiné de telle sorte qu’il lui était impossible de ne pas tomber avec fracas aussitôt qu’il aurait franchi le seuil. Me précipitant alors, j’espérais arriver assez promptement pour l’enfermer. Il eût été, dès cet instant, tout à fait à ma merci et, sous la menace