Page:Boccace - Décaméron.djvu/214

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« Aldobrandino étant donc libre, à la grande joie de lui, de sa femme et de tous ses amis et parents, et reconnaissant manifestement que cela était arrivé par l’intervention du pèlerin qui était venu le trouver, il le mena chez, lui pour tout le temps qu’il lui plairait de rester en la cité ; et là, tous ne pouvaient se rassasier de lui faire honneur et fête, et en particulier la dame, qui savait bien à qui elle le faisait. Mais au bout de quelque temps, Tedaldo croyait devoir remettre Aldobrandino en paix avec ses frères qu’il savait non seulement avoir été blessés de son acquittement, mais s’être armés par crainte, réclama d’Aldobrandino l’exécution de sa promesse. Aldobrandino répondit généreusement qu’il était prêt. Sur quoi le pèlerin fit apprêter pour le jour suivant un beau festin, dans lequel il lui dit qu’il voulait qu’il reçût en même temps que ses parents et leurs femmes, les quatre frères et leurs dames, ajoutant qu’il irait lui-même incontinent les inviter de sa part au banquet donné en signe de paix. Aldobrandino ayant consenti à tout ce qui plaisait au pèlerin, celui-ci s’en alla sur-le-champ vers les quatre frères, et après avoir employé auprès d’eux les arguments requis en pareille matière, il les amena à la fin assez facilement, à force de raisons inexpugnables, à reconquérir l’amitié d’Aldobrandino en lui demandant pardon ; cela fait, il les invita eux et leurs femmes à dîner le lendemain matin avec Adolbrandino ; ceux-ci, s’étant assurés de sa bonne foi, acceptèrent franchement l’invitation. Le lendemain matin donc, à l’heure du repas, les quatre frères de Tedaldo d’abord, vêtus de noir comme ils étaient, et quelques-uns de leurs amis, vinrent à la maison d’Aldobrandino qui les attendait ; et là, devant tous ceux qui avaient été invités par Aldobrandino à leur faire compagnie, ayant jeté leurs armes à terre, ils se remirent aux mains d’Aldobrandino, demandant pardon de ce qu’ils avaient fait contre lui. Aldobrandino les reçut affectueusement et tout en larmes, et les baisant tous sur la bouche, il expédia l’affaire en peu de paroles et leur remit toute injure reçue. Après ceux-ci, vinrent leurs sœurs et leurs femmes, toutes de noir vêtues, et elles furent gracieusement accueillies par madame Ermellina et les autres dames. Puis les hommes et les dames furent magnifiquement servis au festin, où il n’y eut rien que de louable, si ce n’est une sorte de taciturnité occasionnée par les vêtements noirs que portaient les parents de Tedaldo à cause de leur récente douleur, ce qui avait fait blâmer par quelques-uns l’idée et le banquet du pèlerin, ce dont celui-ci s’était bien aperçu. Mais jugeant venu le moment qu’il avait marqué en lui-même pour chasser cette taciturnité, il se leva, les autres convives mangeant encore les fruits, et dit : « — Rien n’a manqué à ce festin