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NOUVELLE VI


L’Andreuola aime Gabriotto. Ils se racontent chacun un songe qu’ils ont eu ; après quoi Gabriotto meurt dans les bras de sa maîtresse. Pendant que celle-ci, aidée de sa servante, le porte chez lui, elles sont prises par les gens de la Seigneurie. Le podestat veut lui faire violence ; mais elle ne le souffre pas. Son père l’ayant appris, et son innocence ayant été reconnue, elle est mise en liberté. Ne voulant plus vivre dans le monde, elle se fait religieuse.


La nouvelle que Philomène avait dite fut très chère aux dames, pour ce qu’elles avaient souvent entendu chanter cette chanson et n’avaient jamais pu, même en questionnant, savoir quelle était la cause pour laquelle elle avait été faite. Mais le roi ayant entendu la fin de la nouvelle, ordonna à Pamphile de poursuivre dans l’ordre convenu, Pamphile dit alors : « — Le songe raconté dans la précédente nouvelle me fournit matière à en raconter une dans laquelle sont mentionnés deux songes qui s’appliquèrent aux choses à venir, comme celui-ci avait eu trait aux choses déjà arrivées, et à peine ces songes eurent-ils été racontés par ceux qui

       Pour garder mon pot de fleurs.
       Le Dieu tout-puissant pourrait bien me venir en aide.

       Le Dieu tout-puissant pourrait bien me venir en aide,
         Si cela lui plaisait,
         Contre celui qui s’est rendu si coupable envers moi.
         Il m’a mis en peine et en tourment,
         Celui qui m’a volé mon basilic.
         Qui avait un si doux parfum.
         Son parfum me ragaillardissait toute.

       Son parfum me ragaillardissait toute,
         Tant il répandait de fraîches odeurs.
         Et le matin quand je l’arrosais,
         Au lever du soleil,
         Tout le monde s’étonnait,
         Disant : D’où vient une telle odeur ?
         Et moi : par amour pour lui, je mourrai de chagrin.

       Et moi, par amour pour lui, je mourrai de chagrin,
         Par amour pour mon pot de fleurs.
         Si quelqu’un voulait me dire il est,
         Je le rachèterais volontiers
         J’ai cent onces d’or dans ma bourse,
         Volontiers je les lui donnerais,
         Et je lui donnerais un baiser, s’il le désirait.

    (Note du traducteur.)