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vii
la pièce

C’est encore un miracle de saint Nicolas que mit à la scène, un peu avant le milieu du xiie siècle, Hilarius, ce célèbre disciple d’Abélard qui nous a laissé de curieux, mais trop brefs spécimens de ses talents de poète érotique, satirique et dramatique[1]. Ce petit drame est doublement intéressant : d’abord par les intentions comiques qui y apparaissent très nettement et plus encore par la présence, dans les morceaux lyriques, de refrains en français. Il nous achemine donc vers le miracle en langue vulgaire, dont il est fort probable que Bodel n’est pas le créateur.

Le trouvère artésien le traita, du moins, avec une rare et puissante originalité. La légende qu’il a utilisée nous apparaît d’abord dans une rédaction grecque, écrite, sans doute au xe siècle, dans l’Italie byzantine, peut-être en Calabre : cette rédaction a été traduite en latin et cette traduction a été jointe à la Vie de saint Nicolas composée à la fin du ixe siècle par Jean, diacre napolitain, d’après des sources grecques ; c’est sous cette forme latine et en addition à l’œuvre de Jean Diacre que la légende de l’image de saint Nicolas s’est répandue en Occident. Dans cette version, l’infidèle est un Sarrasin d’Afrique, percepteur de droits de péage (tholonarius) ; au cours d’une razzia en Calabre, il s’empare d’une image, une icone peinte du saint, dont les vertus miraculeuses lui sont révélées par un captif[2].

  1. Hilarii versus et ludi [publ. par Champollion-Figeac], Paris, Techener, 1838. Le Ludus super iconia sancti Nicolai est à la p. 34 ; aussi dans Du Méril, op. cit., p. 272. Le manuscrit, du xiie siècle, est aujourd’hui à la Bibliothèque nationale, fonds latin, no 11331.
  2. On trouvera le texte grec dans G. Anrich, Hagios Nikolaos (Berlin, 1913-1917), t. I, p. 339-42 ; cf. t. II, p. 142 et 429. Le texte latin a été imprimé plusieurs fois à la suite de la Vie par Jean Diacre, notamment dans le Sanctuarium de B. Mombritius (réimprimé par deux moines de Solesmes, 1910, t. II, p. 306-7). Voici le début de cette version : « Cum de Africæ partibus Vandolorum exercitus applicuisset ad terram Calabrindem, atque eandem regionem igne succenderent, reperta est ibi a quodam barbaro