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viii
introduction

Bodel ne s’est pas seulement approprié l’idée d’établir le contact entre les protagonistes au moyen d’une expédition guerrière, il a fait de cette expédition une croisade, dont les chrétiens prennent l’initiative ; il a, en outre, très heureusement imaginé de transformer ce tonloier en un roi, chef d’un immense empire, et de mettre sur la scène, avec tous ses préparatifs, la bataille qui aboutit à la capture de l’image du saint et du preudome. Ce n’est qu’un hors-d’œuvre, un peu long, mais d’une incontestable grandeur. Bodel, qui, un jour, regretta de ne pouvoir accompagner en Terre Sainte les croisés d’Artois[1], et qui venait d’écrire (ou allait écrire) la chanson des Saisnes, était alors visiblement en pleine atmos-

    in cujusdam christicolæ domo sancti Nicolai imago in tabula honeste depicta, quam protinus in sinu suo projecit et abscondit, quamvis ab eo ignoraretur omnino quid esset. Cum autem pervenisset ad eos qui christicolas captivos deducebant vinctos, interrogavit unum ex eis et ait : « Rogo ut mihi indicetur cujus est figura in hac tabula tam pulchre depicta », et hæc dicens demonstravit eis achonam. Cum ergo eam contemplati essent christiani, cum gemitu et lachrymis dixerunt : « Imago hæc quam cernimus sancti Nicolai dicitur, qui multis miraculis et virtutibus apud Deum et homines existens clarus manifeste educet se vivere etiam post sepulchrum. » Cumque vere hoc auditu percepisset ille barbarus, continuo abscondit eam propter suos socios, nemini ex hoc aliquid pandens. Cum autem reversus esset exercitus Vandalorum in Aphricam cum plurimis captivis et spoliis multis, rediit et ipse barbarus, qui sancti Nicolai habebat tabulam, in domum suam. Erat ipse thelonarius.… » Un peu plus loin (Mombritius, réimpr., t. Il, p. 307, 10) le barbare est appelé Sarrasin : « quæ de illius Saraceni theloneo abstulerant. » Dans le drame d’Hilarius ; l’infidèle est un barbare, sans autre désignation ; dans le drame de Fleury, c’est un juif ; dans les versions dramatiques, il n’y a aucune désignation de lieu.

  1. Mais j’ai fait mon pelerinage.
    Deus m’a desfendu le passage
    Dont bone volenté avoie.

    (Congés, v. 103-5.)