Page:Boissière - Propos d’un intoxiqué, 1909.djvu/47

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Hanoi, octobre 1885.



… Dans une sombre pièce, loin, très loin des bruits de la rue et de la maison, s’étale un beau lit de camp, laqué rouge, empâté de moulures d’or et d’argent, couvert de fines nattes de Singapour et d’oreillers en paille de Manille ou de Tokyo. Les cloisons sont tendues de légères étoffes aux couleurs éclatantes et très claires, avec des chatoiements et des moires lumineuses aux plis de la soie et du satin. Contre la muraille, au chevet du lit, s’applique un cartouche chinois où trois chauves-souris dorées, en relief, étendent leurs ailes symboliques, aux nervures contournées, aux formes hiératiquement étranges — et si éloignées de la nature ! — sur deux caractères classiques, énonciateurs de quelque sage sentence ou de quelque bon conseil. Çà et là, sur des crédences, des vases de pierre sculptée, rapportés d’une lointaine pagode, des coupes de bronze argenté ; aux murs, des flèches, des fusils, des arbalètes et des coupe-coupe venus de je ne sais quels marchés perdus dans un village de montagne, vers le pays des Giaraïs ou des Bahnars.

Je me suis couché sur le lit, une pile de livres auprès le moi ; et je lis ce soir — par exception —