Page:Boissière - Propos d’un intoxiqué, 1909.djvu/62

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brève et scientifique étude : “ Les grands fumeurs arrivent à consommer jusqu’à huit pipes par jour,mais ils meurent en cinq ans ! ” Instruire en amusant, voilà la devise de nos romanciers. Une pipe, voire deux ou trois ne produisent presque jamais d’effet appréciable ; je dis : presque, en pensant aux exceptionnels estomacs que soulève la simple odeur — à plus forte raison une chaude bouffée arrivant dans l’oesophage. Pour perdre connaissance à force de fumer, il faut être bien décidé à s’enivrer, si l’on ne néglige pas l’avertissement que donnent une toujours grandissante lourdeur de tête et une difficulté de se mouvoir toujours croissante. Les fumeurs passionnés, ceux dont l’habitude exige une ration quotidienne de quatre-vingts à cent pipes, meurent jeunes sous les Tropiques, car les maladies de l’Indochine ont facilement raison d’un corps anémié, et encore vivent-ils aisément, à moins d’accidents, une vingtaine d’années. Allez voir, en Cochinchine, les vieux colons, adonnés au thuôc depuis trois ou quatre lustres, maigres, débiles, parfois abrutis — mais vivants.

Quant à l’intoxiqué qui se contente de huit pipes, cette dose n’est pas plus capable d’entraver le cours normal de la vie qu’une quotidienne ration de huit cigarettes.

Enfin, les vrais habitués ne se grisent jamais :

quelques-uns arrivent fréquemment à