Page:Boiteau - Légendes pour les enfants (Hachette 1861).djvu/12

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Il y a en effet, et cela se sent surtout lorsqu’on est jeune, un langage particulier dans certains mots qui affectent un air de mystère. Qu’est-ce qu’un conte bleu ? Comment une histoire peut-elle être bleue ? Voilà ce que l’enfant demande et ce qui l’étonne. Il s’attache à la recherche de ce problème singulier ; il regarde le récit qui lui est fait comme un récit d’un ordre surnaturel, et un plaisir étrange assaisonne sa lecture.

Je me souviens des jouissances extraordinaires qui, en mon tout jeune âge, me surprenaient devant ces livres d’une littérature si originale et de toutes manières si bien faite pour émouvoir l’âme et plaire à l’esprit des enfants ou des villageois. Le titre seul, la vue seule d’un conte bleu me ravissait au milieu de je ne sais quel monde qui n’était pas celui des fées, que je distinguais bien, qui était plus humain, plus vrai, un peu moins bruyant, un peu plus triste, et que j’aimais davantage.

Les contes de fées amusent, mais ils ne charment pas ; les contes bleus, qui donnent moins de gaieté, remuent le coeur. On entre peu à peu, avec ces récits, dans le domaine de l’histoire. Ce sont des mensonges ; mais ces mensonges ont, en quelque sorte, des racines dans la vérité. Il y a des époques peintes, des caractères tracés, et tout un pittoresque naturel dans ces légendes qui n’ont fait défaut à aucun peuple. La vie de nos pères nous apparaît au travers de ces peintures ; nous nous la rappelons sans l’avoir connue, et, tout jeunes, nous apprenons à aimer religieusement les hommes d’autrefois.

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