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de cette sainte hystérie » (Dans la Maison, p. 65). Époque angoissante et trouble. Dans un vibrant article de la Revue d’Art dramatique (juillet 1900) intitulé le « Poison Idéaliste »[1] et dédié « à Charles Péguy et à ses Cahiers pour l’œuvre d’assainissement public qu’ils accomplissent », il jeta un cri d’alarme. Il dénonçait « l’affaissement général et subit des volontés, l’abdication de l’intelligence et un sentimentalisme d’adolescents vieillots » ; il disait « l’approche de la terrible crise morale et sociale qui commence à soulever le sol convulsionné et l’impuissance peureuse d’êtres débiles et incertains à la veille de la débâcle. » Le danger grandit et menace. « Il n’y a qu’un remède : la vérité. Il faut voir la vie comme elle est et le dire. Idéalistes, réalistes, tous ont le même devoir : prendre pour base l’observation réelle, les faits réels, les sentiments réels... Que l’artiste ose regarder la réalité en face pour la peindre. » Il répétait que l’on étouffe dans « une atmosphère pseudo-héroïque » et, dans un noble élan, il concluait « je me défie des mots à majuscule : Homme, Art, Nature, Âme. Décapitons ces idoles... Guerre au mensonge ! »

L’appel ne fut accueilli que de quelques fidèles. Mais déjà se devine, en ces accents, la parole ferme et loyale de Jean-Christophe ; et déjà l’on entend la voix vengeresse de celui qui va écrire la vie de Beethoven et la vie de Michel Ange. Alors les amis, les admirateurs deviendront légion. À chaque grande crise de la France, R. Rolland répétera : « Il n’y a qu’un remède : la vérité... guerre au mensonge ! » Un jour vint où ses adorateurs brûlèrent ce qu’ils avaient adoré. L’homme était pourtant resté le même, — mais les événements avaient changé.

Son Théâtre de la Révolution n’avait pas obtenu le

  1. Cf. Bibliographie n° 105.