Page:Bonnerot - Romain Rolland sa vie son oeuvre.djvu/56

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mes illustres parce qu’elles se font pendant. R. Rolland achève d’écrire Michel Ange, dans la semaine même où il commence de corriger les épreuves du tome III de Jean-Christophe : l’Adolescent. Et l’on peut dire que les trois premiers volumes : l’Aube, le Matin et l’Adolescent se placent d’eux-mêmes sous l’invocation de Beethoven, tandis que Michel Ange, « l’homme en proie au génie », guide et précède Jean-Christophe malheureux, aux prises avec la vie, avec la foi, avec les hommes.

Michel Ange, « un des vainqueurs du monde », nous donne, par son destin tragique et son génie torturé, la plus grande image « d’une souffrance innée qui vient du fond de l’être, qui le ronge sans relâche et qui ne le quittera pas avant de l’avoir détruit ». Lutte de Michel- Ange contre lui-même, ses indécisions, sa solitude, ses maladies perpétuelles ; lutte contre ses rivaux. Bramante ou Raphaël, contre sa famille qui l’exploite, contre le pape qui veut le domestiquer ; sa solitude privée d’amour comme d’amitié ; son désespoir après la reprise de Florence par les Médicis ; sa foi chrétienne méprisant les honneurs, le monde et la gloire, jusqu’à l’abdication dernière, sa mort... « dernier jour de sa vie, premier jour dans le royaume de la paix. »

Mais, dira-t-on, Beethoven, Michel Ange sont des génies, en dehors et au-dessus des hommes. Non, car leur souffrance les remet au niveau de leurs frères. R. Rolland a prévu l’objection quand il dit (Michel Ange, p. 10) « Je n’élève point des statues de héros inaccessibles. Je hais l’idéalisme couard qui détourne les yeux des misères de la vie et des faiblesses de l’âme. Il faut le dire à un peuple trop sensible aux illusions décevantes des paroles sonores : le mensonge héroïque est une lâcheté. Il n’y a qu’un héroïsme au monde, c’est de voir le monde tel qu’il est, — et de l’aimer. »

Ces héros, ces hommes illustres nous sont de très