Page:Bonnerot - Romain Rolland sa vie son oeuvre.djvu/71

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Les volumes de Jean-Christophe se succédaient. Régulièrement, chaque année, un tome nouveau — divisé parfois en plusieurs cahiers — paraissait sous la couverture blanche des Cahiers de la Quinzaine et était, peu après, réédité dans les éditions Ollendorff. Les Amies venaient de paraître, en janvier-février 1910, et Romain Rolland, voyant son œuvre bientôt finie, avait pris un congé à la Sorbonne, afin d’aller passer l’automne et l’hiver à Rome, achever les deux derniers tomes de Jean-Christophe. Pour conserver son entière liberté, il n’avait pas voulu accepter d’être le critique musical du nouveau journal Excelsior, quand, le 25 octobre 1910, un accident — semblable à celui qui fut fatal à l’illustre physicien Curie — mit ses jours en danger. Pris entre deux automobiles, en traversant l’avenue des Champs-Elysées, il chancela, se brisa le bras gauche en deux endroits... Sa fragile santé fut ébranlée pendant de longs jours. Son bras étant immobilisé, l’empêchait de revenir à son cher piano ; mais bientôt il se remettait au travail, rédigeant soit des pages de Jean-Christophe, soit des articles de critique musicale, lorsque, le 20 novembre 1910, la nouvelle se répandit à travers le monde, que Tolstoï, le prophète d’Iasnaïa Poliana, venait de s’éteindre à l’âge de quatre-vingt-deux ans.

Tout ému par la mort de celui qui avait été son premier maître et son premier guide, il entreprit d’écrire une vie du « héros » russe et d’ « apporter à cette mémoire sacrée son tribut de reconnaissance et d’amour ». Il se mit aussitôt à l’œuvre, amassa des notes et en quelques semaines écrivit une vie de Tolstoï qui parut à la Revue de Paris de février à avril 1911.

Aux premiers beaux jours, il vint se reposer en Suisse,