Page:Bonnerot - Romain Rolland sa vie son oeuvre.djvu/95

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de Salamine et sa voix est humaine, sa parole est toute moderne ; il nous dit : « l’homme n’est que vicissitudes » ; la joie et la douleur, la gloire et le désastre se suivent sans pitié et « nous avons oublié la sagesse suprême de l’acceptation » (p. 19). L’amour suit toujours la haine ; après le bouleversement, on voit poindre l’harmonie, au loin, « comme la lueur d’une étoile, par la déchirure des nuées » (p. 23). Bientôt, sans doute, nos yeux verront « le beau ciel, le soleil de Panhumanité, qui fut et qui sera de lointains en lointains dans l’infini du Temps. Il est dès à présent, il est en qui le rêve » (p. 46).

Puisque nos maîtres philosophes ne nous ont pas suivis dans la tempête, puisque le christianisme ne nous donne plus « l’aliment » dont nous avons besoin, puisque tous les systèmes sont vieux et désuets, Romain Rolland nous offre l’immortelle leçon d’Empédocle et nous dit d’entendre « son chant d’espoir et de paix, la splendide symphonie de la vie universelle, dont les dissonances cruelles périodiquement se résolvent en des accords de lumière » (p. 11).

C’est sous l’invocation du philosophe grec que R. Rolland, pour la seconde fois, reprend sa marche en avant et s’apprête à écrire les livres nouveaux — biographies, romans ou pièces de théâtre — qui lentement achèveront l’œuvre dont il a jeté les premières assises il y a plus de vingt ans.

La guerre hante toujours sa pensée : elle constituait tout le sujet de Liluli, cette farce satirique et joyeuse ; elle va former l’atmosphère et le fonds de cette pure idylle d’amour, Pierre et Luce, écrite en 1918. Le récit commence le mercredi soir 30 janvier 1918, quand Pierre Aubier, fils d’un magistrat, rencontre pendant une alerte, dans le « métro », la délicieuse petite Luce. Innocente douceur de cet amour si pur, bavardages