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ŒUVRES COMPLETES

Toi qui vas moissonner, ivre de tes vingt ans, [temps, Les fleurs qui n’ont qu’un jour, toi qui n’as qu’un prin-Toi dont l’air du matin remplit le sein qui vibre, Toi qui peus tout oser, jeune homme ardent et libre, Prends garde ! ton histoire, un témoin juste et prompt, D’une invisible main l’écrira sur ton front ; Sur tes traits, où ne siège aujourd’hui que la grâce, Toutes tes actions laisseront une trace, Et chaque sentiment en toi-même vainqueur, Refaisant ton visage à l’image du cœur, Dira plus tard quel joug tint ton âme asservie : Ta vieillesse sera le miroir de ta vie ! I I

Cet homme que voilà, plus décrépit que vieux, A l’œil glauque, au front bas, ce fut un envieux ; A tout ce qui grandit jetant son vil outrage, Calomniant l’honneur, rabaissant le courage, Son existence entière, en son féroce ennui, Ne connut de plaisir que le malheur d’autrui ; Sa pitié cauteleuse, aux perfides morsures, Distillait son venin sur les nobles blessures ; 11 vécut courroucé, lugubre, malfaisant, Et tout son fiel lui monte au visage à présent !