Page:Bornier - Poésies complètes, 1894.djvu/21

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LES DEUX VIEILLESSES Cet autre qui pâlit, qui tressaille sans cesse Et mêle sur son front l’astuce à la bassesse, Fut un avare, et l’or entassé par ses mains Jette un reflet livide en ses yeux inhumains ! Cet autre dont la face, odieuse et flétrie, Suinte l’hypocrisie et la friponnerie, Éloignez-vous de lui, s’il en est encore temps : C’est Tartufe qui vient, Tartufe à soixante ans ! Et cet autre vieillard, dont la figure mate Sous le fard cache en vain quelque profond stigmate, A la démarche oblique, au regard incertain, Au sourire hébété, ce fut un libertin. Jeune, il était charmant de visage et d’allure, Les femmes enviaient sa blonde chevelure ;

passait dans les bals, gai, triomphant, coquet ; 

Et savait d’un tel air ramasser un bouquet Que pour lui pas un cœur ne fut impitoyable ; Il valsait comme un ange et parlait comme un diable, Impertinent, léger, suave, aérien, De plus très bête au fond, ce qui ne gâte rien ! i.