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LES DEUX VIEILLESSES II

Venez donc prendre piace au cercle de famille, Penchez vers nous vos fronts où la justice braille, De vos dons d’autrefois rien ne vous est ôté ; La vertu calme et grave est une autre beauté, L’âge ne détruit pas la grâce, il la couronne Et la ride s’efface où la bonté rayonne ; Ce vieillard, souriant à son rêve accompli, Dans son passé n’a rien qu’il condamne à l’oubli, Et tous ses souvenirs de plaisir ou d’étude, Sans la troubler jamais, peuplent sa solitude ; Son esprit sage et fin enseigne aux jeunes gens Que les cœurs vraiment forts sont les cœurs indulgents ; Les enfants, dont l’instinct nous devine et nous juge, Dans ses bras bien ouverts vont chercher un refuge ; Les femmes, l’écoutant sans trouble et sans ennui, Disent : « Le beau vieillard ! » Et c’est assez pour lui ; La mort, dont chaque pas doucement le rapproche, Le trouve sans terreur ainsi que sans reproche,

la regarde ému, mais confiant et fort : 

Ce n’est pas le naufrage à ses yeux, c’est le port ! Viens donc, noble vieillesse ! après nos jours de fièvres Donne aux cœurs ton calme et ton miel à nos lèvres ;