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10 ŒUVRES COMPLETES

futaimé souvent, mais son âme avilie 

Ne connut de l’amour que l’ivresse et la lie ; Son habileté froide, — il n’avait que ce don, — Jusque dans le désir préparait l’abandon, Et pour excuse, avec ce sourire qui glace, Il disait : « Oui, mon Dieu ! je suis un Lovelace. » Eh bien, ce fier vainqueur, regardez aujourd’hui Ce qu’un autre vainqueur, le temps, a fait de lui ! Tombé, sur cette pente où le plus ferme glisse, Du plaisir au désordre et du désordre au vice, Sans dignité, sans foi, sans pudeur, sans amis, Il nourrit son orgueil du mal qu’il a commis ; Céladon dédaigné, prétentieux encore, Le désir sans espoir le tient et le dévore ; Quand un jeune homme passe, il rit haineusement ; Quand les femmes, le soir, en un cercle charmant, Se pressent comme font les oiseaux sur les branches, Lui, furtif, inquiet, sur ces épaules blanches, Glisse un regard jaloux, et, bégayant tout bas De fades madrigaux que l’on n’écoute pas, Il semble, à chaque instant plus abject et plus sombre, Le spectre de l’amour qui grimace dans l’ombre ! I I I

Ah ! pour nous consoler, paraissez à nos yeux, Vieillards doux, bienveillants, calmes, chastes, joyeux ;