Page:Bornier - Poésies complètes, 1894.djvu/59

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PROMENADE 47

— Bah ! reprit le gandin accélérant sa marche, Un caprice me prend : Suivons ce patriarche ! Attachons-nous aux pas de ces Béotiens, Sachons où ce Noé peut conduire les siens ; A l’ennui chaque jour nous cherchons des remèdes ; Tâchons de nous distraire en suivant ces bipèdes, Et ces bourgeois, créés pour vendre de l’elbeuf, Nous donneront peut-être un spectacle assez neuf, Nous ferons les yeux doux en route à la fTlette, Suivons-les.

— Tu le veux ? Allons ! » dit le poète. La famille, pourtant, au bout de quelques pas, Quitta le boulevard et ne s’aperçut pas Que les deux jeunes gens la suivaient à la piste ; Elle marchait d’un air recueilli, presque triste ; Dans le quartier Saint George elle arriva bientôt : « Diable ! dit le gandin, ces oisons perchent haut ! » Le bonhomme, en effet, marchant sans en démordre, Montait toujours, suivi des siens rangés en ordre ; Mais enfin, on arrive en face d’un vieux mur, D’un enclos, d’une porte ouverte au cintre obscur ; La colonie errante entre là tout entière. « — Tiens ! tiens ! dit le gandin, tiens ! c’est un cimetière !

— Mon cher, répond l’artiste, arrêtons-nous ici.

— Quoi ! perdre notre temps et nos pas ? grand merci !