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48 ŒUVRES COMPLÈTES

Ma coutume est de voir la fin de toutes choses, Et je n’ai pas plus peur des cyprès que des roses ! Viens, superstitieux ! »

Ils entrèrent alors

Dans le jardin sacré, dans la ville des morts ; Devant eux, les bourgeois, suivant la sombre allée, S’arrêtèrent auprès d’une tombe isolée ; Et tous, grands et petits, se signèrent, et tous, Ensemble, sans parler, se mirent à genoux Sur le marbre, au milieu des ifs et des arbustes, Et la douleur rendait ces visages augustes ! Puis, quand on eut prié lentement, doucement, On se mit à parer le sombre monument ; L’un posait les bouquets, un autre la couronne, On recouvrait de fleurs la petite colonne Où sont inscrits les noms des défunts adorés, De l’humble sanctuaire on lavait les degrés ; Enfin, sans se cacher quelque larme qui tombe, On fait pieusement sa toilette à la tombe ! Et le gandin disait, cynique jusqu’au bout : « — Mon cher, l’esprit bourgeois se retrouve partout ! Certes, ces braves gens, dans leur douleur constante, Ont le droit de pleurer leur grand’mère ou leur tante, Mais la rage qu’ils ont du brillant et du beau Fait qu’ils donnent un air coquet, même au tombeau ! »