Page:Bornier - Poésies complètes, 1894.djvu/82

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Bientôt le vertige les gagne,
La ville est déjà derrière eux,
Et les voici dans la campagne,
Dévorant le chemin pierreux ;

L’air est brumeux, la bise est âcre,
Nos voyageurs en sont glacés ;
« — Eh ! cocher, arrête ton fiacre !
« Ta course est faite, c’est assez ! »

Mais le cocher, droit sur son siège,
Fouette toujours à tour de bras,
Et voici que tombe la neige…
« — Maudit cocher, n’entends-tu pas ? »

La course ardente recommence,
Et l’attelage tout fumant,
Par les monts, par la plaine immense,
S’enfonce et vole éperdument ;

« — Brave homme, arrête ! » dit Cassandre ;
« — Es-tu sourd là-haut ? » dit Lindor ;
« — Bon Monsieur, je ne peux descendre ! »
Dit Silvia de sa voix d’or ;

« — Je suis gelé, ma camarade, »
Dit à Colombine Arlequin,
« Mais demain pour son algarade
« Je veux étrangler ce coquin ! »