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Page:Boué -Le Roi des aventuriers, 1932.djvu/2

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— Si j’accepte !… mille francs !… ah ! ben oui, que j’accepte !… On ne gagne pas ainsi tous les jours cinq cents francs l’heure !…

— Alors, vous êtes prêt à nous accompagner ? Notre auto vous attend…

Un éclair de méfiance, qui n’échappa pas aux étrangers, passa dans les yeux de M. Corbier.

L’un des inconnus ouvrit son portefeuille et en tira deux billets de cinq cents francs qu’il tendit au maître-maçon en disant :

— Pour dissiper les soupçons que pourraient faire naître dans votre esprit la singularité de notre proposition et notre visite à une heure un peu tardive, je tiens à payer par anticipation le service que nous attendons de vous.

L’argent a toujours été pour l’homme le mobile suprême, l’argument sans réplique. Rien n’inspire confiance comme la main qui le tend, cette main fût-elle celle d’un escroc ou d’un meurtrier.

Les mille francs avaient mis des ailes aux pieds de M. Corbier qui, avec l’agileté de Mercure, rassembla ses quelques outils et se précipita pour ainsi dire, dans l’automobile qui stationnait en face de l’impasse. Ses deux clients avaient déclaré qu’il trouverait chez eux toutes les briques et le ciment nécessaires pour terminer le travail qui lui était commandé.

Le maître-ouvrier venait à peine de prendre place dans l’auto que l’un des inconnus lui banda les yeux, tandis que son compagnon disait d’un ton menaçant :

— Pas un mot, ou vous êtes un homme mort !

Et M. Corbier sentit sur son front le cercle froid du canon d’un revolver.

Plus étonné encore qu’effrayé, il résolut de se tenir coi et d’attendre.

La voiture fit des tours et des détours, dans le but évident de dérouter toute observation et, après plus d’une heure de cette course singulière, elle s’arrêta.

L’ouvrier, à qui, durant ce trajet, les inconnus n’avaient pas adressé une seule parole, sentit qu’on lui prenait la main, tandis qu’un des étranger disait sur un ton de commandement :

— Suivez-nous sans rien dire : votre vie dépend de votre silence.

M. Corbier tenait assez à la vie pour obéir à ce prix. Les yeux toujours bandés, il suivit donc ses deux conducteurs.

Ceux-ci l’introduisirent dans une maison, lui firent gravir des escaliers et enfin lui enlevèrent le bandeau qui lui couvrait les yeux.

Le maître-maçon constata qu’il était dans une chambre fort spacieuse, mais entièrement, vide, pas un meuble, pas une chaise, pas un rideau aux fenêtres.

Les deux hommes délibérèrent à voix basse puis ils firent passer M. Corbier dans une chambre voisine qui, comme l’autre, était entièrement dénudée. Ils lui montrèrent, dans un coin, un petit réduit qui semblait ouvert dans l’épaisseur d’une muraille et que dissimulait une porte recouverte de la même tapisserie que celle de la chambre.

— Voici l’espace à murer, dit un des étrangers. Vous enlèverez aisément la porte dont les gonds sont rouilles. Dans la cour de l’hôtel vous trouverez des briques et du ciment. Si vous vous acquittez consciencieusement du travail que nous vous confions, nous augmenterons votre salaire.

Sous la conduite d’un des deux inconnus, qui un revolver à la main, surveillait ses moindres gestes, le maître-maçon travailla son mortier, monta les briques et se mit à l’œuvre.

Bientôt le mur s’éleva.

Tout en travaillant. M. Corbier examinait le réduit : celui-ci ne contenait qu’une caisse assez spacieuse, ou plutôt une espèce de malle fermée par deux verrous.

L’ouvrier se demandait la raison mystérieuse qui poussait ses deux clients à faire murer ce réduit la nuit. Quant à cette malle qu’on ensevelissait dans sa tombe, quel secret profond et terrible contenait-elle ?