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on parla courses, théâtre, soirées, etc. Puis le vicomte de Lignan et le baron de Bercy se retirèrent.

Le soir, à 9 heures, les jeunes gens vinrent chercher le chevalier et tous trois partirent en automobile. D’Arsac, selon son habitude, s’était armé de deux revolvers, d’un poignard et de sa canne à épée.

Après quinze minutes de course, l’auto s’arrêta devant un hôtel vraiment princier. Des laquais en livrée firent traverser aux visiteurs des salons somptueux. Puis les trois hommes s’arrêtèrent dans un boudoir. Les laquais se retirèrent silencieusement. De Lignan mit un doigt sur la bouche et fit signe à ses compagnons de le suivre. Ils pénétrèrent alors dans de nouvelles salles et s’arrêtèrent devant une porte.

De Lignan frappa six fois d’une façon spéciale. La porte s’ouvrit.

— Qui est là ? demanda une voix.

— Trois compagnons du Grand Maître.

— D’où viennent-ils ?

— Du Sud-Sud-Est.

— Quel temps fait-il ?

— Il pleut, et pour nous c’est l’orage.

— Bien… Entrez.

Les trois arrivants pénétrèrent dans une espèce d’antichambre où une vingtaine d’hommes armés jusqu’aux dents étaient postés comme des gardiens. Au fond de la pièce s’ouvrait un passage secret.

Sous la conduite d’un des hommes armés, portant une lumière, d’Arsac et ses compagnons descendirent un escalier ténébreux, traversèrent plusieurs couloirs et furent introduits dans une vaste salle souterraine, éclairée à l’électricité, et qui avait l’aspect d’un prétoire. Une assemblée nombreuse y avait pris place.

— C’est le tribunal de la Sainte-Vehme ! pensa d’Arsac. Tout va bien. Je vais enfin pouvoir contempler mes ennemis à l’aise.

Et il s’assit à l’endroit que lui indiqua le vicomte de Lignan.

Pendant un quart d’heure environ, de nouveaux personnages firent leur entrée. Tous semblaient appartenir au meilleur monde.

Enfin une sonnette retentit et une voix annonça :

— Le Grand-Maître !

D’Arsac vit s’avancer un homme d’une beauté et d’une prestance vraiment royales, à la tête hautaine, rayonnante d’intelligence et de noblesse.

— Le prince d’Armor ! pensa d’Arsac. Il n’a pas l’air d’un bandit celui-là ! Mordious ! Voilà une tête de prince qui me plaît.

Le Grand-Maître s’était assis à la place d’honneur. Il prit la parole d’une voix claire, harmonieuse, mais autoritaire, qui décelait l’habitude du commandement.

— Messieurs, dit-il, nous allons statuer sur un crime ancien qui échappe aux lois humaines et qui, en raison des grands noms portés par les victimes et les assassins, exige un arrêt secret. Notre Grand-Assesseur va vous exposer les faits contenus dans l’acte d’accusation et vérifiés par notre Haute-Cour. Qu’on introduise les accusés.

Quatre hommes armés apparurent entourant deux personnages dont les mains étaient liées et que notre Gascon reconnut aussitôt :

— Sandious ! se dit-il, c’est ce cher M. Messager et ce brave oncle, l’homme quasi-muet que j’ai vu près de Madame ma mère la comtesse de Beaulieu. Quel crime ont-ils commis ?

— Introduisez l’épouse de la victime, dit ensuite le Grand-Maître.

La comtesse de Beaulieu apparut alors soutenue par deux hommes : elle prit place dans un fauteuil. Puis le prince d’Armor donna l’ordre au Grand Assesseur de lire l’acte d’accusation.

— Voici, dit le lecteur, les faits résumés :