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Page:Boué -Le Roi des aventuriers, 1932.djvu/45

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Feuilleton du COURRIER DE SION
— 23

— Oui, c’est la troisième ou quatrième fois qu’on enterre ainsi Marcel Legay. C’est te dire qu’il ne me reste plus guère d’état civil et que si quelqu’un s’avisait de me dénoncer, les policiers répondraient flegmatiquement : « Fichez-nous la paix ! Marcel Legay est mort et bien mort ! » Je puis sans danger arborer mon nom et déposer ma carte où je me présente : on me prend pour un amusant et inoffensif fumiste.

— Et ton comte de Beaulieu, qu’est-il devenu ?

— Ses droits ont été reconnus et il est allé s’installer dans son vieux château. Tu comprends qu’il recevrait sans plaisir son ancien « sequestrador ». Il ne me reste qu’un moyen d’arriver jusqu’à lui, d’entrer dans son château sans éveiller ses soupçons.

— Et ce moyen ?

C’est de me métamorphoser à nouveau, de prendre la forme d’un ami intime du comte Louis de Beaulieu.

— Et cet ami !

— Cet ami est un aventurier gascon, qui ressemble étonnamment au jeune comte.

— Tu le connais ?

— Un peu. Il se nomme le chevalier Gaston Terrail de Bayard d’Arsac de Savignac.

— Et il est seul pour porter tous ces noms.

— Non, puisque je vais l’aider.

— Tu comptes donc partir pour le château de Beaulieu et découvrir ces fameux trésors ?

— Oui, et je voudrais que tu m’accompagnasses. Ton aide me serait précieuse au plus haut point. As-tu des affaires qui te retiennent ici ?

— Non. J’ai terminé mes derniers cambriolages.

— C’est comme moi, nous pourrions aller respirer l’air de la campagne. Le château de Beaulieu doit être charmant.

— Quand partirons nous ?

— Demain si tu veux.

— Parfait.

— Prépare-toi donc. Je viendrai te prendre demain.

— Convenu.

Les deux amis se serrèrent la main et se quittèrent.


Le château de Beaulieu


Le soir tombait lorsque Marcel Legay et son ami Léon Sauvage, tous deux habilement déguisés, arrivèrent devant le château de Beaulieu.

Ce manoir avait été contruit sous Henri IV et maintes fois restauré. Il avait un aspect majestueux et hautain. Il se dressait au sommet d’une colline et était entouré d’un parc et d’une forêt. À un quart de lieue environ s’élevait, dans un site pittoresque, un vieux monastère en ruines dont on apercevait les vestiges des tours du châtelain de Beaulieu. Plus loin, c’étaient des montagnes escarpées et des forêts profondes.

Marcel Legay se fit annoncer sous le nom de Chevalier Gaston Terrail de Bayard d’Arsac de Savignac. Il avait pris une attitude de mousquetaire moderne qui lui seyait à ravir : moustache relevée d’une façon conquérante, la « royale » en bataille, le regard hardi et légèrement dédaigneux, la lèvre volontaire et ironique. En apprenant l’arrivée de son ami le chevalier d’Arsac, le jeune comte Louis de Beaulieu bondit de joie et accourut les mains tendues :

— Ah ! mon cher chevalier ! dit-il à Marcel Legay, je ne saurais vous dire combien je suis heureux de vous revoir !