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Page:Boué -Le Roi des aventuriers, 1932.djvu/8

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vard Bonne-Nouvelle, la victime dont il avait vu le cadavre enfermé dans un coffre, au fond du réduit muré de la maison mystérieuse !

Quel était ce prodige ? Comment expliquer ce miracle ? L’homme mort reparaissait, débordant de vie, fringant et joyeux. Il s’avançait de son pas hautain et calme et il allait dépasser M. Corbier, lorsque celui-ci, dans un mouvement spontané, se dressa devant lui, les yeux écarquillés, le visage reflétant la stupeur.

L’inconnu abaissa sur lui le regard étonné de quelqu’un qui se heurte soudain à un obstacle.

— Vous ! vous ici ! s’écria le maître-maçon sans trop savoir ce qu’il disait.

Et il balbutia des paroles incohérentes.

L’étranger s’était arrêté et le regardait, impassible, attendant qu’il s’expliquât. Enfin, il dit d’un ton impatienté :

— Eh bien ! que me voulez-vous ?

— Ne me reconnaissez-vous pas, monsieur ? demanda le maître-maçon.

— Non. À qui ai-je l’honneur de parler ?

— À Gustave Corbier, maître-maçon.

M. Corbier ?…

— Oui, monsieur. Mon nom ne vous apprendra rien, je le sais. Mais vous vous souviendrez de moi, lorsque je vous aurai dit que je suis l’ouvrier qui a été chargé… malgré lui, monsieur ! oh ! bien malgré lui !… de murer le réduit au fond duquel vos infâmes meurtriers vous avaient enfermé !…

— Où ai-je été enfermé ?… mes meurtriers ?… un réduit ?…

Et l’étranger, après avoir écouté avec étonnement les explications qui venaient de lui être données, releva dédaigneusement la tête et darda un regard sévère sur son interlocuteur en lui disant d’un ton sec :

— Ah ! çà ! monsieur, nous ne sommes pas en temps de carnaval et je ne suppose pas que vous auriez l’audace de vous rire du chevalier Gaston Terrail de Bayard d’Arsac, comte de Savignac !…

— Loin de moi, monsieur, l’envie de rire, balbutia M. Corbier. J’ai vu des choses trop terribles pour songer à plaisanter.

Et le visage du maître-maçon refléta une si douloureuse expression mêlée de soumission et de franchise que la flamme d’indignation qui avait brillé dans les yeux de l’étranger s’adoucit et fit place à la compassion.

— Pauvre homme, c’est un fou ! murmura-t-il.

Et il se disposa à continuer son chemin.

Mais le maître-maçon leva sur lui un regard si désespéré et si suppliant que l’étranger s’arrêta à nouveau pour l’écouter.

— Je vous en supplie, monsieur ! dit M. Corbier, ne me repoussez pas ! Vous pouvez peut-être sauver un homme, le protéger contre les assassins acharnés à sa perte…

À ces mots, un revirement soudain parut se faire dans l’âme de l’étranger. Un éclair de bravoure et de générosité illumina ses beaux yeux :

— Jamais, monsieur, je n’ai repoussé de bras qui se tendaient vers moi et imploraient ma protection. Vous souffrez, dites-vous, vous êtes en danger, des ennemis vous menacent. Très bien, monsieur, en ce cas, je suis à vous. Vous pouvez compter entièrement sur mon aide à toute heure du jour ou de la nuit. Chaque fois qu’un ennemi lâche ou puissant cherchera à vous nuire, venez me trouver, je serai là entre vous et lui.

— Et, monsieur, où pourrai-je vous trouver ! demanda le maître-maçon à qui le ton décidé de l’étranger inspirait confiance et qui, comme le noyé qui se rattache à une dernière branche, espère trouver quelque secours inattendu.

— À l’Hôtel de Provence, quai des Grands Augustins. C’est là que je suis descendu. Vous demanderez le chevalier Gaston Terrail de Bayard d’Arsac de Savignac.

— Mon Dieu, dit l’ouvrier d’une voix hésitante, pardonnez-moi, mais je ne parviendrai jamais à retenir tous ces noms.