Page:Bouasse - Pendule spiral diapason, tome 2, 1920.djvu/16

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xvi
DES SAVANTS

dommage en manquer une, voire les manquer toutes ; reste la question du jeton de présence, mais en service commandé on est tenu pour présent. Dans l’avenir, mon cher lecteur, n’oubliez pas ce qu’est une Commission de l’Académie des Sciences et le cas qu’on doit en faire !

« Comment, Monsieur, vous blâmez ces illustres savants de leur circonspection ! Était-ce leur rôle de prendre parti ? ».


Eh ! qui donc les forçait à prendre implicitement parti en accueil
lant les documents ? Je poursuis.

« Cependant la vérification est ici d’autant plus facile, même pour 
les yeux les moins exercés, que le fabricateur de ces documents ne
 s’est pas astreint, ainsi qu’il arrive ordinairement, à contrefaire ou
 à imiter l’écriture de Pascal. Agissant avec un sans-façon inouï, il
 s’est contenté de donner à son écriture un caractère plus ou moins 
ancien et d’employer une orthographe à peu près conforme à celle 
du temps de Pascal. C’est ce qui explique comment il lui a été
 possible d’écrire un si grand nombre de lettres et de notes : ce n’était
 plus pour lui qu’une affaire d’imagination. Le faussaire a pris 
comme de raison du vieux papier, et c’était sans aucun doute pour 
lui la plus grande difficulté. Mais malgré toute son industrie il n’est
 pas parvenu à consommer, entre une encre nécessairement nouvelle 
et un papier ancien, cette combinaison que le temps seul peut pro
duire. L’aspect de l’encre, tantôt fraîche encore, tantôt jaunie outre
mesure par un procédé mal déguisé, suffirait seul à montrer la
 fraude. »

Je regrette pour vous d’être contraint d’abréger. Ayant le texte
 sous les yeux, je vous assure que je ne m’embête pas.

Oyez ce détail.

« Il s’agit de l’une des Notes que Pascal aurait envoyées à Boyle 
en 1652. On donne, est-il dit dans cette note, comme un effet de la 
vertu attractive la mousse qui flotte sur une tasse de café et qui se porte avec une précipitation très sensible vers les bords du vase… Une pareille 
observation suppose que l’usage du café était déjà répandu en France
du temps de Pascal. Or ce ne fut qu’en 1669, c’est-à-dire sept ans
 environ après sa mort, que Soliman Aga, ambassadeur de Turquie
 auprès de Louis XIV, introduisit dans la société parisienne l’usage 
du café. »

Fausseté manifeste de l’écriture, faits postérieurs à la mort de l’écrivain supposé… il ne reste plus que l’examen du style. « Ici toute l’industrie du faussaire a échoué. Je laisse à nos voisins d’outre-Manche le soin de nous dire si Newton écrivait en français à un âge surtout où très probablement il n’avait guère écrit dans sa propre langue. Je m’en tiens aux lettres qui lui auraient été écrites par Pascal. Voici par exemple comment il s’exprime dans celle qu’il aurait adressée le 20 mai 1654, à Newton qui n’avait qu’un peu plus de onze ans. Je vous envoie divers problèmes afin d’exercer votre génie.