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successivement les causes de la pauvreté ou du moins celles auxquelles nous l’attribuons.

Les mobiles de la misère peuvent varier selon les pays, les gouvernemens, les mœurs, les préjugés, la religion, bref d’après tout ce qui, directement ou indirectement, agit sur la position de chacun.

Dans les états despotiques où une avanie enlève une fortune, où le fils n’est jamais certain d’hériter du père, la misère est plus générale, plus invariable ; là, on ne travaille pas pour s’enrichir, on ne garde plus pour le lendemain parce qu’on n’est pas sûr d’avoir le lendemain.

Dans les lieux soumis à la corvée où l’habitant peut se voir, à chaque heure, arraché à sa charrue, à sa moisson, pour être jeté à des travaux sans récompense, là où l’impôt n’est pas point fixe, où le monopole est partout, où tous les gains tombent dans la main du gouvernant, toutes les pertes, tous les fléaux sur le front du gouverné, la misère doit être à son comble ; et c’est ce qui arrive. En Égypte, où règnent la plupart de ces abus, la faim tue plus sûrement que le glaive, et la population est décimée par un firman. Il en est ainsi dans presque tous les états soumis aux Turcs. Ce n’est pas point précisément la religion de Mahomet qui est contraire à l’industrie, mais le caractère actuel des Turcs, de même que la politique de leurs voisins et de les y maintenir. Leur croyance au fatalisme est la ruine de toute amélioration ; avec cette foi torpide et sans avenir intellectuel, on ne prévoit rien, on ne répare pas, on n’échappe à aucune douleur, à aucun danger. Si cet axiome aide-toi, le ciel t’aidera, nous fait éviter bien des maux, celui-ci tout est pour le mieux, nous jette dans tous les précipices.

Après l’Égypte et les provinces turques, le pays rapproché de nous où il y a le plus de misère avec le plus d’élémens de prospérité, c’est l’Espagne. Là, c’est l’ignorance encore qui en est la cause première ; ensuite