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misère ? Non, mais cela y conduit et cette imprévoyance jette quelquefois l’Italien dans une situation cruelle. Ordinairement elle dure peu ; un accès d’activité, un jour de travail, l’abondance du sol, le prix minime des alimens l’en font sortir. L’Italie forme donc une exception ; c’est le pays de l’Europe où il y a le plus de paresseux, et ce n’est pas celui où il y a le plus de pauvres véritables.

L’Angleterre présente le spectacle contraire : c’est là que l’on spécule le mieux et c’est pourtant là aussi qu’il y a le plus de malheureux. C’est que l’Angleterre est divisée en deux camps ennemis : l’un gagne et paie, et de ce nombre je mets les riches ou les propriétaires, car dépenser, c’est travailler ; l’autre consomme et tend la main, non peut-être par paresse, mais parce qu’on l’empêche de travailler ou qu’on le nourrit sans rien faire. Il faut donc, par cela même, qu’une bonne moitié des habitans ne travaille pas, que l’autre moitié travaille pour elle et pour eux. Aussi l’Angleterre, pays où l’homme occupé fait le plus et où les machines le secondent mieux, n’est pas cependant celui où l’ouvrier devient riche, du moins tant qu’il reste Anglais, c’est à dire tant qu’il vit à l’anglaise.

Une des raisons du peu d’aisance de la famille de l’ouvrier anglais, malgré la persévérance de son travail, l’adresse et le soin avec lequel il le dirige, c’est qu’il est gros mangeur et plus grand buveur, qu’il consomme beaucoup et deux fois plus que l’artisan français. L’Anglais qui gagne 4 schellings par jour n’est pas plus riche que le Français qui gagne 2 francs.

Nous avons déjà dit un mot de cet abus de la consommation et nous avons ajouté qu’elle faisait la richesse ou la misère, selon l’objet sur lequel elle se portait. Sans revenir sur ceci, nous bornant à citer les faits, nous remarquerons : qu’il en coûte autant pour nourrir un Anglais que deux Italiens et que trois Arabes, le