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par son industrie ; et si, en quittant son régiment, il lui restait avec un petit pécule un peu d’instruction et d’amour de bien faire. Il serait facile de parvenir à cela, et, d’un mal, faire sortir un bien.

Il est sans doute beaucoup d’autres causes de misère ; mais les limites de ce simple exposé ne permettent pas de développer toutes les parties de la question. D’ailleurs ; elle se résume en entier dans celle que nous avons réservée pour la dernière ; et qu’aussi nous approfondirons davantage.

La misère, nous avons-nous dit, n’est pas ; nous la faisons. En effet, comment serait-elle ? Elle n’est pas pour les animaux : un animal n’est ni riche ni pauvre ; et sauf dans quelques espèces qui amassent et conservent, la propriété n’est pour lui que dans la possession du moment ; la valeur qu’il y attache dépend de la mesure de son appétit ; la faim satisfaite, il abandonne le reste, ce qu’il trouve lui appartient donc, comme il appartiendra à celui qui le trouvera après lui, ou qui, plus fort ou plus hardi, s’en emparera malgré lui. Mais qu’il le trouve ou qu’il le prenne, l’obtient-il sans labeur et le rencontre-t-il toujours sur ses pas ? Non ; il faut qu’il le cherche, il faut qu’il le poursuive et qu’il l’attrape, il faut qu’il le chasse. Il travaille donc, il gagne ce qu’il mange. Si la misère est la nécessité de travailler pour vivre ; on voit qu’il n’est aucune créature que cette nécessité n’atteigne, chez qui elle ne soit à demeure, pour ainsi dire, et chez l’être humain comme chez les autres.

Tout homme naît pour travailler ; en vain il sera l’héritier d’une couronne : roi ou artisan, un jour peut venir où ses bras seront sa seule ressource. Ainsi, point de distinction, nul privilége parmi les créatures, dans leur destination au travail. Excepté la mère son nourrisson et le fils son vieux père, aucun être n’est tenu d’en sustenter un autre ; c’est une obligation absolue pour chacun de gagner sa nourriture et d’en conserver une