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amène la mendicité, ou la mendicité qui produit la misère ? Question à résoudre. Quant à moi, je crois que l’une s’accroît par l’autre, quoique souvent la mendicité précède la pauvreté. On peut être mendiant sans être pauvre, et c’est ce je vois fréquemment dans les villes où il est des mendians plus riches que ceux qui leur donnent, mendians par spéculation et non par besoin.

On peut aussi être pauvre sans être mendiant, et la pauvreté n’est pas toujours où elle semble être ; par exemple, les pays où elle est le moins apparente sont ceux qui sont soumis au despotisme, bien qu’elle soit effectivement plus réelle. C’est que là, l’homme est mort avant qu’il ait pu se plaindre.

Pourtant la question n’est pas ordinairement envisagée ainsi. Ce que la foule regarde comme la preuve de la misère, c’est la mendicité. Où il y a le plus de mendians, elle dit qu’il y a le plus de pauvres. Sans doute cela arrivera mais le fait n’est pas immédiat, et le fait de mendier ne démontre pas la pauvreté.

Le grand nombre de mendians sur un point annonce seulement qu’il y a là quelqu’un qui donne. Où tout le monde est pauvre, personne ne mendie.

La mendicité naît donc, non pas de la misère ou de la stérilité, mais au contraire de l’abondance, et de la facilité, d’obtenir quelque chose sans le gagner par le travail ; on la doit ainsi à ceux qui aumônent au hasard, aux portes et dans la rue. La certitude en est aisé à acquérir : qu’un individu charitable ou croyant l’être aille s’établir dans un pays où il n’y a pas un mendiant, que cet homme annonce qu’un jour par semaine il donnera un liard et un morceau de pain à tous ceux qui se présenteront, vous pouvez être assuré qu’à la fin de l’année il y aura des mendians dans ce pays quelque fertile qu’il soit, et qu’après deux années, ces mendians seront devenus de véritables pauvres, ou bien, s’ils ne le sont pas, qu’ils en auront créé près d’eux. Ainsi, cet