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homme aumônier, cet homme à bonnes intentions, loin d’avoir été profitable au pays, y aura amené la mendicité qui a engendré la paresse, mère de la pauvreté. Cet homme au lieu d’avoir donné au peuple lui a pris, car pendant le temps que ce peuple a perdu pour venir chercher un liard et un morceau de pain, il aurait gagné, en travaillant, deux liards et deux morceaux de pain.

Si l’on réfléchit sur ce qui précède, on peut en déduire, et la chose est malheureusement trop vraie, que la mendicité, ou même la misère réelle, croît toujours en raison de ce qu’on lui abandonne, c’est-à-dire de ce qu’on lui paie à elle-même pour l’éteindre.

À l’appui de ceci, les preuves ne nous manqueront pas.

D’abord, si nous examinons l’état de la question chez nos voisins, ou même parmi les divers cultes ou sectes qui vivent chez nous, nous pourrons estimer la quantité de pauvres et de mendians d’après le nombre de ceux qui les nourrissent et aussi d’après la législation existante, c’est-à-dire d’après la nature et l’exécution des lois et des préceptes qui défendent ou prescrivent d’aumôner.

Chez nous, catholiques, l’aumône est recommandée comme une vertu éminente, même comme la première de toutes. Le principe est vrai et bon, si l’on en saisissait l’esprit ; mais pris dans son sens matériel et exécuté sans choix, sans intention, sans charité, il doit créer et crée effectivement beaucoup de mendians. Proportion gardée, c’est donc chez les catholiques qu’on en voit le plus.

Chez les protestans, sauf l’Angleterre, on n’en trouve pas autant, parce que leur religion attache moins de mérite, moins d’indulgence, moins d’expiations à l’aumône.

Parmi les Juifs, on rencontre beaucoup de vagabonds, de brocanteurs, de gens à métier douteux. Partout où il y a à vendre ou à acheter on voit un Israélite ; partout