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ou il a abandonné le travail qu’il avait, ou il n’en a pas cherché lorsqu’il n’en avait plus, ou bien il a refusé celui qu’on lui proposait ; enfin, il n’a pas fait ce qu’il pouvait faire pour éviter de tomber dans une position fâcheuse, ou pour en sortir quand il y a été.

Je suppose qu’on soit obligé de mendier un jour, ce n’est pas une raison pour qu’on le soit encore le lendemain. Mais il est rare qu’on mendie pour un temps ; et après avoir mendié, bien peu d’individus retournent à leur métier ou à un métier quelconque. Le mendiant de ce jour, le sera le jour suivant, le sera toujours.

Pour toucher à fond cette question et arriver à une conclusion, voyons d’abord quelles sont les professions d’où sortent les mendians, c’est-à-dire celles dont on ne peut pas vivre quand on veut les faire honnêtement ou avec le soin qui détermine l’acheteur et maintient la pratique. Sont-ce les charpentiers, les menuisiers, les serruriers, les cordonniers, les tailleurs ? Non, sur cent pauvres que vous interrogerez, il n’y en a pas quatre qui sortent d’un de ces métiers ou qui les sachent faire.

Sont-ce les charbonniers, les portefaix, les manœuvres et autres travaillant en communauté ? Rarement, car la communauté les soutient.

Sont-ce les maçons, les couvreurs, les plafonneurs, les peintres en bâtimens ? Partout ils trouvent de l’ouvrage.

Sont-ce les laboureurs, les jardiniers, les bergers, les garçons de ferme, enfin tous ceux qui tiennent à l’agriculture ? Moins que tous les autres ; on en manque, on les recherche, on se les dispute.

Il est donc des états qui ne conduisent jamais ou presque jamais à la mendicité. Quels sont ceux qui la produisent ? Nous répondrons bientôt à cette question, mais avant nous devons la diviser en causes générales et en causes individuelles, et nous ferons observer, que s’il est quelquefois des circonstances qui rendent improductive une branche d’industrie, ce sont là des accidens et non des