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positions durables. Or ces plaies vivaces et ces malheurs indépendans du vouloir de ceux qui les éprouvent sont rares, il faut prévoir et y remédier.

Dans les villes de fabriques, la fermeture d’un ou de plusieurs ateliers jettera quelquefois sur le pavé un grand nombre d’individus. Si l’autorité, si les citoyens ne se réunissent pas à l’instant pour venir à leur secours, si on ne leur procure pas de travail avant qu’ils aient besoin de pain, beaucoup certainement demanderont l’aumône.

Je suppose que cela arrive, c’est à dire que l’administration ne soit point prévoyante ni les citoyens humains, pensez-vous que tous ces ouvriers resteront mendians ? Non, ils se créeront des ressources, et c’est à peine la dixième partie qui, huit jours après la chute de l’établissement, sera encore vagabonde et affamée.

Et cette dixième partie, de quoi se compose-t-elle ? Immanquablement des mauvais sujets, des ivrognes, des paresseux, ou des infirmes. Nous mettons ces derniers hors ligne et nous en parlerons plus tard ainsi que des enfans, classe secondaire de mendians qui, créés par les autres, marchent à leur suite et sont de fait mendians involontaires. Ce ne sont donc pas encore, sauf ces exceptions les manufactures qui font ordinairement les mendians.

Enfin quels sont les états qui les produisent ?

Ce sont les états qu’on cesse de faire, et non ceux qu’on fait, parce qu’il n’en est peut-être pas un seul, du moins parmi ceux que nous venons de citer, qui, suivi avec constance, ne nourrisse un homme et sa famille.

Mais si aucune œuvre, aucun labeur n’enfante la mendicité, quel est l’ouvrier qui, cessant de l’être, renonce à son métier pour devenir mendiant ?

Ici, il est difficile de répondre nettement, car s’il n’est pas de profession qui mène à la pauvreté, il peut sortir des pauvres de toutes les professions. C’est généralement à la suite des états faciles qu’on en rencontre le plus, parmi les aides, les servans des autres ouvriers ; ou chez