Page:Boucher de Perthes - De la misère.djvu/75

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nous l’ignorions ? Rendons au travail ce qui appartient au travail, au pauvre ce qui est au pauvre. Puisque pendant tant d’années, tant de siècles, notre inconséquence a créé ou maintenu la pauvreté du peuple, c’est aujourd’hui à notre raison, à notre humanité à venir au secours de ce peuple, ou en aide à nous-même, car si nous ne sommes pas peuple, nos enfans le seront. C’est par les efforts simultanés des bons citoyens, par la charité bien entendue des riches, par la réunion de toutes les sommes jetées sans discernement, de tous ces liards répandus sur la boue qui, sans la rendre fertile, la vicient, et sans nourrir la foule la corrompent ; c’est par des dons raisonnés, c’est par l’emploi judicieux des terrains disponibles, ou en obligeant ceux qui les ont à les utiliser, c’est par des colonies intérieures, des fondations agricoles ; c’est par une industrie adaptée à chaque localité et combinée sur les ressources et les dispositions de la population, que nous parviendrons à écarter du sol le désœuvrement, la mendicité et la misère.

Si de grands établissemens demandent trop de temps, trop d’argent, s’il est impossible de s’entendre dans les conseils généraux et municipaux, enfin si cette alliance de toutes tes bourses est trop difficile, le même résultat peut être produit sur une plus petite échelle, par la bonne volonté de quelques-uns. Ne peut-on pas s’associer par paroisse, par quartier, par maison ? Ne peut-on agir seul ? Que tout homme aumônier calcule la somme annuelle semée au hasard sur les inconnus, sur les vagabonds, qu’il la place sur une ou deux familles. Mais qu’il ne se contente pas de soulager la faim du jour, qu’il prévoie celle du lendemain, qu’il verse ses fonds en encouragement, en moralité, qu’il les répande avec calcul et prévision qu’il ne dédaigne pas d’y joindre une parole d’avenir ; qu’il se souvienne que la conviction trop absolue de sa misère et de l’impossibilité d’en sortir, est une des causes les plus directes de la dégradation du