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peuple et que c’est ce mal qu’on doit d’abord traiter. C’est l’espérance qu’il faut rendre au pauvre. Prodigue de votre or, ne soyez pas avare de votre raisonnement : un bon avis et un bon exemple valent souvent mieux qu’une grosse somme.

Commençons par le principe de toute vertu, de toute richesse, par l’instruction. C’est par elle seule qu’on peut acquérir et conserver. Pour que le pauvre garde quelque chose, il faut qu’il sache quelque chose, et, avant tout, ce que valent les choses ; et pour cela il faut qu’en les lui donnant, nous le lui apprenions ; il faut qu’il apprécie comme nous leur valeur et celle du travail et de la conduite qui les procurent. Pour qu’il calcule, calculons nous-mêmes, comptons avec lui ; récompensons ses vertus, et non ses vices, ses grimaces, ses plaies factices ; donnons-lui pour qu’il travaille et non parce qu’il nous trompe.

La prime à accorder d’abord doit être au bon vouloir à l’esprit de conduite et de prévoyance, qui doit ici passer même avant le talent dénué de ces qualités. Disons à l’ouvrier sage et laborieux que s’il a économise deux francs à la fin de sa semaine nous lui en donnerons trois, que s’il lui reste trente francs au bout de l’année nous en ajouterons vingt. Tenons-lui parole et ne cédons pas s’il n’a tenu la sienne. Imprévoyance ou inconduite, qu’il en souffre les conséquences. S’il est incorrigible laissons-le dans son entêtement, dans sa misère incurable puisqu’il n’en veut pas sortir ; et allons secourir une autre famille, un autre individu plus docile et plus intelligent.

Nos pairs, nos députés, peuvent aussi activement contribuer à écarter la misère en votant à propos des travaux d’utilité publique. On dira que c’est aux dépens du contribuable ; non, car ce qu’il aurait payé au mendiant il le paie au travailleur dont l’œuvre reste, et tout le monde en profite. Seulement quand on vote les fonds, veillez à ce que le désordre et l’intrigue n’en dévorent pas une partie, et que le miel soit pour l’abeille et non pour le frelon.