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a une certaine largeur. Pour que les bons frères ne s’exposassent plus ainsi à se noyer, on a, depuis, construit un beau pont. La légende ne dit pas si ce fut encore le diable, ce premier-né des ingénieurs suisses, qui en fit les frais. S’il y a mis la main, n’y passez pas trop souvent.

Pour faire œuvre utile au salut
Ne comptez pas sur Belzébut :
Il a plus d’un air à sa flûte.
Rossignol, fauvette ou pinson,
C’est toujours pipant qu’il débute.
Puis de la flûte au violon,
De mal en pis, de chûte en chûte,
Après le fossé la culbute.

Partout entourés de montagnes, nous voyons encore, en passant, des couvents, des cascades et des ponts sur la Reuss, ainsi que des zigzags et des terrasses. On ne peut faire vingt pas sans que le spectacle, bien qu’avec des sujets analogues, ne change et ne se complique de mille manières : c’est une sorte de kaléidoscope qui, à chaque mouvement, se renouvelle.

Nous traversons Amstœg, village de trois cents habitants, ayant son hôtellerie comme tous ceux de cette route : c’est qu’en ce pays des bourrasques, neiges, inondations, avalanches, on n’est jamais certain de ne pas se trouver en face d’un obstacle, trop heureux de ne pas être dessous et de trouver un asile pour se remettre de sa peur et attendre que le passage soit libre. Ce sont ces accidents qui font vivre les aubergistes de la montagne, qui, par le beau temps, ne voient guère s’arrêter chez eux que ces touristes allemands ou français, au long bâton, aux souliers à crochets, échappés des univer-