Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/184

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année, quinze jours de camp. Les nombreux détachements que nous avions rencontrés s’y rendaient. Les bateaux à vapeur et les wagons des chemins de fer en étaient remplis. Partout, en ce pays, on nous cite des circonstances de l’enfance de Napoléon III : c’est à Notre-Dame-des-Ermites, à quatre lieues de Rapperschwyl, qu’il a fait sa première communion.

À dix heures, nous sommes à Zurich que je revois pour la quatrième fois. Je manque d’un quart-d’heure le train pour Bâle ; le suivant ne part qu’à une heure, c’est donc trois heures à attendre.

Pour les employer, je vais revoir la ville. Je suis le quai où est une boucherie propre, saine et bien construite. Non loin de là, je me trouve sur un pont en bois, large de quarante pas, sur lequel est établi un marché aux fruits. J’y achète des poires que je mange séance tenante en admirant le point de vue et étant moi-même admiré ou plutôt envié par une demi-douzaine de gamins qui s’étaient arrêtés pour me voir manger. Je les invite au festin et partage avec eux ; mais ils avaient véritablement des gosiers suisses : quoique les poires fussent d’une bonne dimension, elles y passaient comme des pilules. Ce fut à moi de les admirer à mon tour : je n’avais jamais vu d’escamoteurs si lestes à faire disparaître la muscade. C’eût été dommage d’interrompre un si bel exercice. J’achète une seconde provision qui disparaît comme la première, puis une troisième qui a bientôt pris le chemin des deux autres. Il était temps d’arrêter : le ventre de mes nouveaux amis ressemblait au tonneau des Danaïdes. Je m’éloignai donc pénétré d’admiration. Je connaissais le proverbe : Boire comme