Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/61

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heures. Je me décidai donc à aller visiter les curiosités de la ville, résolution qu’encourageait vivement un particulier qui flânait autour de moi et que je priai de me conduire. Quand nous fûmes en route, il me dit qu’il n’y avait rien à voir, mais qu’on y trouvait à boire d’excellent vin. N’ayant jamais entendu vanter le vin de Saint-Jean-de-Maurienne que je ne connaissais que par le breuvage dont Charles-le-Chauve était mort, je ne fus pas fâché, faute d’autre curiosité, de goûter celui dont on ne mourait pas. Me voici donc, sous les auspices de mon guide, attablé au cabaret devant une tranche de jambon qu’il m’avait dit être la sauce indispensable pour juger le vin, et une bouteille du précieux liquide : c’était un petit vin blanc, sec, qui me parut en effet fort potable. Maintenant il me restait à savoir où il poussait, car je n’avais pas aperçu l’ombre d’une vigne, mais j’appris que ledit vin était venu, comme nous, en voiture, et que c’était du vin de Montmeillan. En faveur de sa bonne qualité, je lui pardonnai de n’être pas français, et nous achevâmes la bouteille.

Revenu à la voiture, les choses en étaient encore au point où je les avais laissées. On avait recruté quelques berlingots, mais ce n’était pas assez, car de nouveaux voyageurs étaient arrivés, parmi lesquels une vivandière des spahis, grande femme, jeune et belle, quoique fort hâlée par le soleil. Son fez, sa tunique rouge et son pantalon de même couleur, ses bottes à éperons, attiraient les regards de tout le monde. Elle avait un petit garçon de six à sept ans, son fils probablement. Elle ne semblait pas bien riche, cependant je la vis, non sans attendrissement, faire l’aumône à un pauvre.