Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/62

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Une heure se passe encore. Enfin on a réuni le nombre de voitures à peu près indispensables ; il ne s’agit plus que de nous y faire tenir. On choisit parmi nous les plus minces pour en mettre six dans les caisses à quatre places, et cinq lorsqu’ils sont plus gros, arrimage qui ne se fait pas sans bruit : les choses ne disent rien quand on les tasse, mais les gens ne sont pas si patients. Ici les femmes crient, les hommes jurent ; mais comme tout le monde veut partir, on finit par s’arranger.

Une fois placés, nous commençons à nous regarder. La compagnie, moi compris, se compose d’une dame et de cinq hommes dont pas un Anglais, conséquemment de bonne humeur et aimant à causer. Une demi-heure s’était à peine écoulée que nous étions tous en connaissance. Trois des hommes étaient Italiens. L’un habitait Gênes et était gros propriétaire, comme il nous le dit plus tard. L’autre allait à Mantoue, où il est architecte. Le troisième, Livournais, à la barbe noire et à l’air décidé, est capitaine au long-cours. Le quatrième, jeune élégant qui, pour passer le temps, s’est fait friser à Saint-Jean-de-Maurienne, est voyageur pour les vins et tout à son affaire, car à brûle-pourpoint il nous vante l’excellence de son saint-émilion en nous faisant ses offres de service. Pour la rareté du fait, je le prends au mot et lui fais la commande d’une barrique.

La dame, assez jolie et très-causeuse, nous apprend qu’elle est Languedocienne, ce que j’avais reconnu tout d’abord à son accent. Elle habite les environs de Paris. Elle a toute la vivacité des femmes du midi et la gentillesse des Parisiennes. Sa franchise est parfois des plus plaisantes. Un des voyageurs lui ayant demandé à quoi