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UNE DE PERDUE

s’empara avec force de son esprit et il entra dans l’ancienne demeure du père Meunier.

Toutes les portes des chambres étaient sous scellé, à l’exception de celle de la cuisine et d’un petit cabinet, au premier, que l’on avait préparé pour le gardien nommé par la Cour des Preuves. Trim était entré par la porte de cour ; la première personne qu’il rencontra fut le mulâtre Pierrot, un des plus fidèles esclaves du père Meunier et auquel, par son testament, il avait donné la liberté et une somme de cinq cents dollars. Pierrot était assis sur un banc de bois à la porte de la cuisine, occupé à nettoyer quelques couteaux et fourchettes. Il avait l’air triste et abattu. En reconnaissant Trim, son ami d’enfance, qu’il n’avait pas encore vu depuis son retour, il se leva, étendit les bras et l’embrassa en versant des larmes. Trim eut bien de la peine à retenir les siennes, mais il fit violence à sa douleur, car il accomplissait une mission de vie ou de mort pour son maître, et avait besoin de toute sa fermeté et de son jugement.

— Ne pleure pas, Pierrot, lui dit-il en se dégageant doucement, il faut montrer plus de courage.

— Ah ! mon l’ami Trim, quand tu l’arrivé donc ? Tu l’as appris que mon maître l’y mort la semaine passée.

— Oui, oui, moué l’a appris en arrivant au port hier matin.

— Et ton maître, le capitaine, y n’été pas vini à la maison ; pi-t-être y l’été trop affligé !

— Mon maître, Pierrot, y l’été itou, y l’été noyé ; Trim ne put retenir un tressaillement nerveux, une larme coula de ses yeux, mais il l’essuya bien vite,