de crainte de voir son ami éclater en sanglots et de lui faire perdre ainsi un temps précieux.
— Dis-moi, Pierrot, continua-t-il, ce qui est arrivé à la mort de Moissié Meunier, de quoi l’a ti mouri ? qué l’étaient les personnes qui voyaient li le plus à son les derniers moments ?
— Personne, ne vini voir li, répondit Pierrot en baissant la vue sous l’ardeur du regard de Trim ; personne excepté le docteur Rivard, qui a veillé li avant li mouri ; l’y était son seul ami !
Trim avait remarqué un certain mouvement d’amère ironie sur les lèvres de Pierrot, quand il prononça ces dernières paroles.
— Qué fait dire à toué, — « docteur Rivard l’était son seul ami ? »
Et Trim regarda Pierrot avec une telle expression d’intense anxiété, que celui-ci tressaillit, et faisant un signe à Trim passa avec lui dans le jardin. Pierrot prit un air solennel et dit à Trim d’un ton profondément affecté :
— Conné-ti le docteur Rivard ?
— Pas beaucoup, un peu !
— Eh bien, moué l’a peur du docteur Rivard ; docteur Rivard bien riche, bien fort, bien méchant, moué pensé ! docteur Rivard peut faire pendre toué, moué et tous les pauvres nègres, si voulê…
— Qué ce qui fait toué dire ça ?
— Écoute… et Pierrot regarda tout autour de lui dans le jardin, puis prenant la main de Trim dans la sienne, il lui dit : viens.
Ils allèrent tous les deux au fond du jardin, et Pierrot prit une petite fiole, qu’il avait cachée sous un tas de ballayures.